En 1961, à l’issue du dernier vote, le savoureux dialogue entre la présentatrice Jacqueline Joubert* et le vainqueur Jean-Claude Pascal est un délicieux moment apparemment tout en désuétude et pourtant d’une importance essentielle dans l’Histoire du Concours et son orientation teintée de culture gay…
- Jacqueline : « Vous savez que vous avez gagné… »
- « Oui » l’interrompt Jean-Claude en passant un bras autour de ses épaules
- « Oh, ces Français, tout de même… », réagit-elle en se débarrassant du bras frondeur…
- « Ne me laissez pas tout seul tout de même » surenchérit-il en replaçant sa main sur l’épaule de Jacqueline…
- et cette dernière d’enchaîner : « ‘Nous les amoureux’, c’est une chanson vengeresse… »
- « C’est pas une chanson vengeresse, c’est une chanson gentille » reprend le chanteur…
- « un p’tit peu quand même, moi je trouve : ‘nous les amoureux on est comme ça et pas autrement…’ » surenchérit-elle…
En réalité, le texte de la chanson dénonçait l’homophobie de l’époque autour des couples gays:
« Nous les amoureux, on voudrait nous séparer, on voudrait nous empêcher d´être heureux… Nous les amoureux, il paraît que c´est l´enfer qui nous guette ou bien le fer et le feu… C´est vrai, les imbéciles et les méchants nous font du mal, nous jouent des tours… Pourtant rien n´est plus évident que l´amour… Nous les amoureux, nous ne pouvons rien contre eux, ils sont mille et l´on est deux, les amoureux… Mais l´heure va sonner des nuits moins difficiles et je pourrai t´aimer sans qu´on en parle en ville, c´est promis, c´est écrit (…) »
Le geste insistant de Jean-Claude Pascal envers Jacqueline Joubert, à ce moment précis, dénotait sans doute un réflexe de « brouillage de pistes » par rapport à la réalité de sa nature. Mais le fait que le vrai message de la chanson fut dévoilé par l’artiste des années plus tard permet d’attribuer à « Nous les Amoureux » le statut de précurseur du lien entre culture gay et Eurovision…
Depuis lors, l’Eurovision a évolué en gigantesque show empli de strass, de glamour, de paillettes et de participations surréalistes, à l’image des fêtes et de l’autodérision chères à la culture gay. Au fil des ans, le concours a accueilli des hommes qui s’embrassent sur la bouche (deux chanteurs du groupe israélien « Ping Pong » en 2000), des hommes déguisés en hôtesses de l’air (le trio vocal « Sestre » pour la Slovénie en 2002), un travesti déguisé en boule à facettes (Verka Serduchka pour l’Ukraine en 2007) et une femme en robe de mariée qui embrasse une autre femme (Krista Siegfrieds pour la Finlande en 2013).

Sestre, le trio de travestis pour la Slovénie en 2002

Le baiser finlandais en 2013
Sans oublier les deux figures cultissimes, la transsexuelle israélienne Dana International qui gagna en 1998 et la divine «femme à barbe» autrichienne Conchita Wurst, victorieuse en 2014. En 2015, les deux grâces se sont présentées main dans la main sur une scène londonienne, à l’occasion du show organisé pour le 60ème anniversaire du Concours. Une image iconique, symbole du relais entre deux générations de gay-ttitude eurovisionnesque…

Dana International et Conchita Wurts main dans la main en 2015 (show du 60ème anniversaire du Concours eurovision organisé par la BBC)
Bravo pour les émissions qui permettent une ouverture des esprits vers un monde plus tolérant envers tous les types de cultures, de spiritualités, de sexualités, … Je précise que je suis de culture française, d’éducation catholique et hétérosexuelle c’est à dire complètement dans ce qu’on appelle généralement la tradition. Il m’a fallu une longue réflexion personnelle, de nombreuses lectures philosophiques et beaucoup de rencontres de tous bords avant de comprendre que je marchais sur une fausse route et que je devais impérativement changer de chemin si je voulais avancer pour découvrir le monde multiple et aimer les gens dans un esprit de pacifisme sous la beauté des couleurs de l’arc en ciel.
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Merci pour ce beau partage d’idée! Juste une petite réflexion: on n’est pas d' »éducation hétérosexuelle », on est hétérosexuel, tout simplement. La sexualité n’est pas une question d’éducation, c’est un état. On ne choisit pas d’être hétérosexuel, homosexuel ou bisexuel: c’est la nature qui l’a décidé. Ce qu’on choisit, c’est de l’assumer. Et vive la diversité! xxx
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